En matière de politique RH, agir sur les comportements de collaborateurs est un sujet ambitieux. Il peut s’appliquer à de nombreux domaines, dont celui de la santé/sécurité au travail et de la QVCT. Il s’agit alors de faire en sorte que les collaborateurs adoptent durablement les bonnes pratiques au quotidien, pour éviter/limiter les risques auxquels ils sont soumis, et améliorer leurs conditions de travail. Cela dépasse la simple application des obligations légales.
Mais au-delà des principes, sur quoi agit-on ? Comment procéder ? Quels moyens et ressources doit-on déployer ?
Une partie des réponses est donnée par les sciences comportementales, qui ont fait de remarquables progrès ces dernières années. En particulier, les habitudes ont une place importante dans la littérature scientifique. Tour d’horizon...
I. Agir sur les comportements au travail : de quoi parle-t-on ?
Très schématiquement, on peut distinguer deux familles de comportements :
Les automatismes face à des situations connues, dans des contextes récurrents (voir rencontrés quotidiennement), nécessitant des stratégies de résolution relativement simples. Des automatismes, presque comme des réflexes. Par exemple, mettre son casque de chantier avant d’y pénétrer, s’échauffer les poignets avant de commencer un travail sur une chaîne de montage, ne pas regarder d’écran juste avant de s’endormir etc.
Dans le domaine de la santé/sécurité et de la QVCT, les principaux risques que des automatismes peuvent éviter sont la manutention manuelle, les chutes, l’exposition aux substances chimiques, les TMS, mais aussi l’amélioration du sommeil et de la nutrition…
De l’autre côté du spectre se trouvent les comportements face à des situations nouvelles, dans des contextes incertains, nécessitant des stratégies de résolution ad’hoc. Par exemple, se montrer bienveillant envers un collègue ou un collaborateur en difficulté, être performant sous une pression accrue, etc.
Dans le domaine de la santé/sécurité et de la QVCT, les principaux risques que ces comportements peuvent éviter sont dans le domaine des RPS.
Grâce aux avancées des sciences comportementales, il est possible d’agir de manière assez systématique sur les automatismes. C’est ce dont nous traitons dans le chapitre suivant.
En revanche, agir sur la deuxième famille de comportements nécessite de réaliser un travail de développement des compétences plus approfondi et complexe, centré sur les problématiques individuelles. Nous ne traitons pas ce sujet dans cet article.
II. Avancées scientifiques dans le domaine des habitudes
1. Un contenu scientifique parfois difficilement accessible
Les sciences comportementales et cognitives ont fait de remarquables progrès ces dernières années dans la compréhension du fonctionnement du cerveau humain.
Ainsi, un grand nombre de publications ont été dédiées au domaine des habitudes, comme au domaine de l’apprentissage.
Néanmoins, comme tout domaine de recherche lorsqu’il n’est pas vulgarisé, l’accès à l’information est difficile, et l’information elle-même peut être indigeste.
2. La modélisation des habitudes
Quelques éléments sur la formation des habitudes :
2.1. Combien de temps faut-il pour adopter une nouvelle habitude ?
Cela dépend bien entendu de sa motivation et du degré de complexité du comportement à adopter. Plusieurs chiffres circulent dans la littérature, mais l’étude la plus documentée donne 66 jours en moyenne.
Dans cette étude, une équipe de chercheurs américains a suivi la formation de nouvelles habitudes chez 96 étudiants universitaires. Chaque étudiant choisissait un nouveau comportement parmi un ensemble de propositions, telles que manger un fruit au déjeuner, ou boire un verre d’eau après le petit-déjeuner. Ils ont ensuite mesuré au fil du temps le degré d’automatisme de ce comportement à mesure qu’il était répété quotidiennement.
En moyenne, les nouveaux comportements se sont transformés en habitudes au bout de 66 jours, l’étudiant le plus performant y arrivant au bout 18 jours, le moins performant au bout de 254 jours.
Un autre chiffre qui circule fréquemment est 21 jours. Cependant, il est basé sur un constat empirique fait par un chirurgien esthétique en 1960 sur la durée minimum que mettaient ses patients à changer l’image d’eux-mêmes.
2.2. Que faut-il pour adopter une nouvelle habitude ?
De la répétition !
Toutes les études le montrent. De plus, celle mentionnée plus haut a permis de dégager les caractéristiques suivantes :
Les premières répétitions ont le plus fort impact sur le degré d’automatisme
Par la suite, le comportement étant devenu une habitude, de nouvelles répétitions n’ont plus d’effet sur le degré d’automatisme, qui stagne.
Il est donc fondamental qu’un nouveau comportement soit répété fréquemment dès les premières semaines.
2.3. Peut-on stopper une mauvaise habitude ?
Il est très difficile de stopper une mauvaise habitude. Toutefois, il est possible de substituer une bonne / meilleure habitude à une mauvaise habitude.
En effet, de manière simplifiée, une habitude fonctionne selon une boucle : signal (ou contexte), comportement (routine), récompense.
Par exemple, en situation de stress, on peut prendre l’habitude de manger, pour se détendre temporairement. Si la quantité absorbée à la fin de la journée est trop importante, cela génère du surpoids, et peut donc être considéré comme une mauvaise habitude.
L’idée est d’ajouter une meilleure habitude dans ce même contexte, comme par exemple boire un verre d’eau. A mesure que cette action est répétée en situation de stress, elle se substituera à celle de manger, la récompense recherchée étant similaire.
2.4. Combien de nouvelles habitudes peut-on adopter en même temps ?
A notre connaissance, il n’y a pas d’étude sérieuse menée sur le sujet. Encore une fois, cela dépend du degré de motivation et de la complexité du comportement à adopter.
Néanmoins, il semble que 4 à 5 nouvelles habitudes soit un maximum pour un individu moyen. Pour atteindre cet objectif, il est recommandé d’essayer d’adopter un plus grand nombre de nouveaux comportements en même temps. Les plus adaptés se transformeront en automatismes, d’autres non.
3. Quelques techniques pour acquérir de nouvelles habitudes
Des chercheurs ont classifié 93 différentes techniques utilisables pour adopter de nouveaux comportements automatiques. Nous en listons quelques-unes ci-dessous :
Associer la réalisation du comportement avec un contexte existant : c’est la technique ayant fait le plus ses preuves dans la littérature. Il s’agit :
D’associer le comportement à adopter à un contexte rencontré quotidiennement, voir à une habitude existante.
D’utiliser un signal de rappel au besoin.
Ces deux éléments externes encouragent les répétitions, élément fondamental pour l’adoption de nouveaux comportements automatiques.
Planifier : établir un planning détaillé de la réalisation du nouveau comportement, incluant le contexte, la fréquence, la durée, l’intensité.
Informer :
Donner des instructions sur la façon de réaliser le nouveau comportement, le montrer.
Fournir des informations sur les conséquences positives à adopter le nouveau comportement.
Gestion des objectifs
Se fixer des objectifs.
Graduer les tâches.
Mettre à jour ses objectifs, soi-même ou avec l’aide d’un tier.
Revoir les réalisations par rapport aux objectifs, soi-même ou avec l’aide d’un tier.
Gérer ses émotions associées au nouveau comportement
S’entraîner mentalement / visualiser la réalisation du nouveau comportement
Feedback : donner du feedback (informatif ou évaluation) sur la réalisation du nouveau comportement.
Récompense sociale : associer la réalisation du nouveau comportement à une récompense sociale, telle que la félicitation.
Récompense matérielle : associer la réalisation du nouveau comportement à une récompense matérielle, telle que de l’argent, des promotions etc.
Support social : encouragement de son entourage, voire d’un binôme.
4. Comment procéder
En résumé, pour transformer de nouveaux comportements en habitudes / automatismes chez vos collaborateurs, il faut s’attacher à :
1. Les motiver afin qu’ils répètent fréquemment les enseignements, en particulier au début.
2. Relier la pratique des enseignements à des contextes habituels (étapes de leur journée ou habitudes existantes).
3. S’assurer que les répétitions se poursuivent sur une durée minimum de quelques semaines.
Il y a de très nombreuses façons de mettre en œuvre ces recommandations, propres à chaque organisation, mais vous l’aurez compris, il vous faudra agir dans le temps.
Chez ZC Santé, nous agissons sur les habitudes quotidiennes de vos collaborateurs pour améliorer leur santé au travail. Découvrez notre approche, nos résultats et nos offres.
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